Mer
Les paysages sous-marins : prairie et fonds sableux
1- La prairie sous la mer
La Posidonie
Les fonds marins meubles, à partir de quelques mètres de profondeur, ainsi que la roche fissurée, favorable à un ancrage dès la surface, sont colonisés par une prairie verte et drue. Toute aquatique qu'elle soit, l'herbe qui y exerce son hégémonie n'est pas une algue, organisme primitif s'il en est, mais une authentique plante supérieure, très évoluée, avec de vraies racines, tiges, feuilles, fleurs et graines. Il s'agit de la Posidonie ou Herbe de Poséidon, Dieu grec de la mer, espèce marine protégée.
Pour tout connaître sur la Posidonie, consulter le site des Jardiniers de la Mer. La tradition nomme « Herbier » cette prairie et « mattes » les récifs-barrières qu'elle édifie patiemment au cours d'une croissance verticale séculaire.
À droite : inflorescence de Posidonia oceanica récoltée à l'Ayguade, commune d'Hyères, suite à une tempête de vent d'est, le 22 octobre 2003. On peut voir notamment les anthères des étamines. (photo Jean Sougy).
Les paysages sous-marins qu'elle engendre, semblent souvent monotones, mais cette uniformité est un gage de bonne santé et cache sa richesse, une vie animale grouillante et colorée : les poissons de roche, les poulpes et seiches, les oursins aux nuances variées (récolte interdite l'été !), la grande nacre, sorte de moule géante et plantée (rigoureusement protégée !), etc. Ces hôtes de l'herbier y trouvent un gîte hospitalier, un couvert généreux, une nursery abritée.
La floraison, relativement rare, a lieu en automne et donne des fruits appelés olives de mer, qui, après s'être détachés de la plante, flottent et s'échouent sur les plages entre mai et juin.
Lorsque les feuilles des Posidonies meurent, elles brunissent, se détachent de l'herbier et sont lentement décomposées. Cependant certaines fibres (imputrescibles de la base) persistent, s'enchevêtrent, sont roulées par les vagues et finissent par former des pelotes : les aegagropiles (prononcez « éga ») que l'on trouve sur les plages.
De nombreux débris des feuilles mortes sont rejetés sur les plages où ils forment des banquettes caractéristiques. À première vue ces banquettes peuvent paraître sales, mais il n’en est rien, bien au contraire. De plus elles protègent les plages de sable, de l'érosion.
La Posidonie nous amène ainsi à réfléchir sur une loi de la Nature qui est universelle. Sur terre comme sous la mer, la végétation démarre sur la roche nue avec des êtres primitifs, de modestes Cryptogames (plantes sans fleurs) qui sont des lichens et des mousses dans un cas, des algues dans l'autre.
Quand les conditions de vie s'améliorent, dès qu'un sol se constitue, des végétaux plus évolués s'installent, accueillent une faune diversifiée, consacrent l'élan de la Nature vers le progrès. L'exubérance de ces peuplements ne constitue pas, hélas, un acquis définitif. Diverses nuisances, parmi lesquelles la pollution est la plus insidieuse en mer, peut-être également des causes naturelles difficiles à identifier et à maîtriser, remettent gravement en cause de telles formations, les appauvrissent, en réduisent l'étendue. Ces nuisances, pour achever ce mauvais scénario, favorisent, à leurs dépens, le retour d'espèces archaïques sur le devant de la scène, la prolifération d'algues vertes indigènes ou exotiques en particulier.
L'association les Jardiniers de la Mer : l'un de ses objectifs est "de protéger et de reconquérir les milieux naturels détruits" avec entre autres le repiquage des Posidonies.
2 - Les fonds sableux de la Capte ou le désert vivant
La presqu'île de Giens accueille chaque été des milliers de campeurs, heureux de se baigner et de se dorer au soleil. Certains d'entre eux tentent d'observer les fonds sableux en s'équipant d'un masque de plongée et d'un tuba. Ils ressortent le plus souvent déçus, persuadés d'avoir parcouru un monde de désolation que toute vie aurait abandonné. Or il n'en est rien.
Bien sûr la mouvance du fond n'autorise pas la présence d'une végétation visible. Mais un petit fleuve côtier, le Gapeau, fertilise la rade de Hyères. Le plancton y alimente une faune abondante et variée dont la productivité s'est accrue depuis les années 80, par suite d'une régression sensible de la pollution. Sur de vastes étendues sableuses, cette faune se fait discrète et l'on doit faire montre de patience et d'astuce pour la débusquer. Par exemple, si l'on s'éloigne vers le large jusqu'au moment où l'on cesse d'avoir pied, il suffit de se mettre debout et d'agiter les palmes à quelques centimètres du fond sableux pour dégager divers animaux enfouis.
Poissons : certains, comme les dorades, se tiennent à bonne distance des curieux. D'autres, tels que les soles, sont aplatis contre le sable dont ils prennent la couleur.
Mais les abords de La Capte recèlent surtout une quantité prodigieuse d'Invertébrés : Oursins dont les piquants sont fins, couchés comme des soies de Porc. Vers et Anémones, aux allures de fleurs, fichés dans le sable et s'y rétractant à la moindre alerte.