Par Pierre VIGNES.

  • Le Chêne vert, Quercus ilex Lou yeuse, ainsi que son proche cousin le Chêne-liège (Quercus suber L.) - qui en diffère surtout par une écorce monstrueuse - sont trompeurs pour les touristes venus du Nord.
    Les feuilles ne sont pas grandes, tendres, lobées et caduques, comme celles des grands chênes des régions tempérées, reproduites sur les képis des maréchaux.
    Les feuilles de nos forêts de chênes, assez petites, coriaces, piquantes et persistantes, évoqueraient plutôt celles du houx, si la face inférieure n'était blanchâtre comme chez l'olivier. Bien sûr le visiteur quelque peu perspicace ne manquera pas de remarquer les glands et de restituer à l'arbre sa véritable identité. 

  • Le Chêne vert a (sans doute) connu jadis une extension moindre que de nos jours. Il aurait fait tache d'huile aux dépens du Chêne pubescent*, (Quercus pubescens Willd.) mais lui-même recule à son tour devant le Pin d'Alep (Pinus halepensis Miller.) 
  • *Travaux de Hélène TRIAT-LAVAL, « Histoire de la forêt provençale depuis 15000 ans d'après l'analyse pollinique »
  • Quoi qu'il en soit, les choses étant présentement ce qu'elles sont, force est de constater que l'aire du Chêne vert épouse les limites de la zone climatique méditerranéenne, telles qu'elles sont établies selon des critères météorologiques. Il en est un bon réactif. S'il arrive qu'on le rencontre hors de cette zone jusqu'aux îles britanniques, c'est grâce, non seulement au Gulf Stream, mais encore à l'initiative de l'homme. 
  • Le Chêne vert est indifférent à la nature chimique du terrain, alors que le Chêne-liège s'avère strictement silicicole. Donc le premier règne sans partage sur la Provence calcaire, mais le second doit composer avec lui en Provence cristalline. C'est ainsi que de superbes forêts de Chêne-liège, ou suveraies, encore exploitées comme le prouvent les troncs rouges une fois dépouillés, peuplent les massifs des Maures et de l'Estérel, alors que les vallons frais de Port-Cros, sur des terrains identiques, n'hébergent que du chêne vert. Le Chêne-liège est traité en futaie, le Chêne vert le plus souvent en taillis, pour des raisons d'économie locale évidentes.
  • Il est à noter que, de la futaie de chênes à la futaie de pins, puis de la futaie de pins au taillis de chêne, la vulnérabilité en cas d'incendie augmente. La plupart des arbres et arbrisseaux qui accompagnent les chênes méditerranéens, tels que le Nerprun alaterne (Rhamnus alaternus) et les divers filaires, ont les mêmes caractéristiques foliaires. 
  • Ce sont des sclérophytes (de skleros = dur et phyto = végétal) doublement adaptés au climat méditerranéen, doux l'hiver, sec l'été. 

Les lianes
  • L'un des aspects les plus pittoresques observé dans les forêts de Chêne vert, plus spécialement dans les taillis, réside dans l'abondance et la diversité des lianes. À une exception près (l'herbe à la femme battue) ces lianes sont ligneuses et à petites feuilles persistantes. Elles aussi sont sclérophytes. Elles dressent souvent devant le promeneur, aventuré dans le sous-bois, des barrières ou des rideaux extrêmement dissuasifs. Mais le thème des lianes est plaisant parce que les procédés de grimper sont similaires chez les plantes grimpantes et les animaux grimpeurs, bien que la finalité biologique ne soit pas la même. 

    Il y a trois sortes de dispositifs :
  • Dispositifs pointus, piquants, épines…, à effet ponctuel, comme les griffes du chat ou du pic.
  • Dispositifs volubiles, c'est-à-dire s'enroulant, à effet linéaire, qui rappellent les doigts préhensiles et la queue prenante du singe-araignée, les tentacules du poulpe ou le corps entier du boa. Il s'agit chez les lianes, soit de vrilles, organes spécialisés formés souvent aux dépens des feuilles, soit de la tige toute entière, ce qui est le cas de la plupart des espèces citées (dont certaines cumulent deux adaptations au grimper). 
  • Dispositifs adhésifs, à effet de surface, qui consistent en des crampons et que l'on retrouve sous la forme de ventouses dans le règne animal, comme les pattes adhésives du Gecko.
  • Ainsi, s'il est vrai que la nature ne manque pas d'ingéniosité et brode à l'infini pour le plus grand plaisir du naturaliste, il n'en demeure pas moins que les réponses apportées à certains besoins très généraux tournent toujours autour d'un nombre très limité de formules simples et d'une logique élémentaire.



Arbres et arbrisseaux 
1 - Chêne vert 
2 - Chêne-liège
3 - Nerprun alaterne
4 - Filaire à larges feuilles

Lianes 
5 - Lierre
6 - Ronce
7 - Garance voyageuse
8 - Asperge sauvage
9 - Salsepareille
10 - Chèvrefeuille de Mahon
11 - Herbe-à-la-femme-battue
12 - Clématite flammette